Conférence animée par Pierluigi Basso Fossali, de l’Université de Lyon 2, dans le cadre du séminaire L’imaginaire transmédiatique et ses enjeux politiques organisé par l’équipe Textes et livres du Laboratoire Babel.
Coordinateur : Alessandro LEIDUAN
Contact : alessandro.leiduan@univ-tln.fr
Vendredi 25 novembre 2022 à 15h30 – B.U. la Garde, salle pédagogie innovante (rdc)
Normalement on estime que les médias fonctionnent comme une amplification de l’espace de référence avec des ancrages techniques qui deviennent supports pour l’accès à d’autres cadres d’expérience. Pourtant, il est facile de constater que les expériences médiatiques sont à leur tour médiées ; avant tout par l’environnement sensible d’accueil, avec ses contingences, et ensuite par la mise en abyme des dispositifs utilisés. En ce sens, des phénomènes de méta-médiation sont largement connus et pratiqués, trouvant une synthèse parfaite dans l’environnement de travail de notre ordinateur. La promotion d’une réflexion spécifique sur la trans-médialité, dont ce séminaire est un bon témoignage, indique évidemment des enjeux qui ne sont pas réductibles à la mise en abyme des médiations. D’une part, il y a une dimension traductive laquelle nous interroge sur les (in)équivalences effectives des versions de départ et d’arrivée, d’autre part, on rencontre une visée fédératrice à même d’intégrer plusieurs supports dans un projet de signification global. Si l’on pense à la trans-médiation comme opération perfective, bref strictement identifiable avec ses résultats, alors le modèle historique de référence peut être le Gesamtkunstwerk, l’œuvre d’art totale qui trouve sa concrétisation dans une mise en scène théâtrale dans laquelle toutes les muses peuvent s’exprimer en dialogue. Si l’on donne à la trans-médialité une interprétation ouverte et donc imperfective, alors la traduction de supports se signale moins pour ses aboutissements que par son exigence constante de relancer la signification selon une vie des formes. Si à la fin du XIXe siècle le théâtre est apparu comme le plateau idéal pour l’œuvre totale, aujourd’hui, sa résilience culturelle, face à la puissance des nouveaux médias, l’invite à réinterpréter sa vocation et à incarner l’inachèvement de la culture ; la performativité de l’inter-médialité techniquement acquise devient alors magie d’une trans-médialité artisanale qui souligne le « salto mortale » de chaque passage traductif. En ce sens, des cinéastes comme Jaco Van Dormael (voir Kiss and Cry, 2011 ; Cold Blood, 2015, réalisés avec la chorégraphe Michèle Anne De Mey) ont non seulement réinjecté le théâtre à l’intérieur du monde filmique (solution assez traditionnelle dans la perspective d’une remédiation), mais aussi confié à nouveau le spectacle cinématographique à la dimension événementiel d’un plateau et d’une expérience incarnée.
L’objectif de cette intervention est de faire émerger une trans-médialité à la fois critique et aventureuse qui procède selon des circuits de médiation qui nous offrent des nouvelles formes symboliques. Cela est l’indice d’une portée culturelle non éphémère et qui mérite alors d’être étudiée comme phénomène marquant de notre contemporanéité. En même temps, le critère de l’émergence de nouvelles formes symboliques peut être assumé comme révélateur de opérations trans-médiales stériles et qui parfois ne méritent même pas cette appellation.